L’avenir de la forêt en question(s)
par webeole89 · Publié · Mis à jour
Le Contrat régional
forêt-bois : produire plus !
Le Contrat régional forêt-bois fixe nos orienta- tions sylvicoles pour les 10 prochaines années. Il est essentiellement tourné vers l’organisa- tion de la filière professionnelle avec un objec- tif principalement économique : augmenter la production de bois.
Produire plus de bois, c’est couper plus, mais aussi adapter la forêt à la demande de la grande industrie. Autrement dit : standar- diser nos forêts avec quelques essences de rendement améliorées. Cette intensification des pratiques sylvicoles fait peser une lourde menace sur les fonctions des forêts, notam- ment sur la préservation de la biodiversité, de la ressource en eau et du climat. Les quelques zones de protection éparpillées ici ou là n’y changeront rien : c’est tout un équilibre d’en- semble qui va s’effondrer comme un château de cartes.
Quelle économie du bois
pour quelle forêt ?
Les orientations définies dans le Contrat fo- rêt-bois vont dans le sens de l’industrialisa- tion de la forêt, avec les mêmes dérives que celles de l’agriculture intensive. Pour ce mo- dèle économique, qui court après son ombre, chaque mesure d’ordre social ou environne- mental est perçue comme un frein à la com- pétitivité. Pourtant, augmenter les volumes récoltés n’est pas une solution pour équilibrer les comptes car l’essentiel de la transformation se fait dans les pays à faible coût salarial (et environnemental), dont nous réimportons les produits manufacturés.
Une autre économie du bois est possible : celle d’une sylviculture de qualité, pour une production de qualité, avec une transforma- tion locale qui génère plus-value et emplois dans le territoire. Ce modèle est celui de la Franche-Comté. Mais plutôt que de s’en ins- pirer, les co-rédacteurs du Contrat forêt-bois (services de l’État, Région, Interprofession) ont préféré suivre la demande nationale du produire plus et en font porter le poids essen- tiellement à la Bourgogne.
Les objectifs théoriques
et irréalistes du
Contrat régional forêt-bois
Les volumes supplémentaires de bois à mobili- ser (prélever) ont été déterminés en fonction des besoins estimés des grandes industries de la première transformation, et dans le cadre d’une étude préalable sur les disponibi- lités forestières futures. Or cette étude n’est qu’une modélisation purement théorique qui ne prend pas en compte certains facteurs limitants, comme par exemple l’adhésion des propriétaires au productivisme, le financement du reboisement, ou encore les enjeux sociaux et environnementaux.
Le Contrat forêt-bois, avec la filière intensive et les grandes unités de première transforma- tion, fixe des objectifs de mobilisation irres- ponsables. Pourtant, une analyse affinée avec les gestionnaires forestiers de terrain aurait permis de mieux connaître le bois réelle- ment récoltable dans de bonnes conditions économiques, sociales et environnemen- tales.
La forêt, outil de
la transition écologique ?
Au-delà des chiffres flatteurs sur l’offre po- tentielle de bois matériau ou de bois énergie censée alimenter notre transition écologique, personne ne peut s’exonérer d’une réflexion sur le bon usage de nos forêts. On ne peut
à ce jour raisonnablement prétendre que le bois (donc sa production intensive) pourrait compenser la fonction de puits de carbone des forêts. Ce serait également oublier leur rôle primordial dans la régulation du climat.
Au niveau européen et mondial, l’explosion de la demande en bois énergie (notamment du fait des soutiens financiers accordés en Europe aux grosses centrales de production d’électri- cité) conduit à multiplier les prélèvements sauvages dans les forêts qui régulent notre climat (forêts boréales et primaires notam- ment).
Ce danger existe aussi sous nos latitudes avec le développement anarchique des unités industrielles de production d’énergie. Le Contrat régional forêt-bois et le projet actuel de schéma régional de biomasse envisagent une récolte sans précédent du bois énergie dans les forêts et dans les campagnes (réma- nents, haies, arbres d’alignement etc).
L’industrie, le résineux
et le Morvan
L’enjeu est particulièrement important sur la production de résineux car les forêts françaises sont dans leur grande majorité des forêts feuillues. L’industrie exerce de fortes pressions économiques pour que soit produit en France, même en dehors de ses aires de répartition naturelles, le résineux qu’elle importe des pays du nord de l’Europe.
Avec le résineux, l’industrie impose égale- ment une sylviculture intensive : monocul- ture et récolte ultra mécanisée par coupes rases, sur des diamètres petits à moyens (35-45 cm). Sous nos latitudes, ce calibrage conduit à des cycles courts d’une cinquantaine d’années, ou moins, ce qui épuise irrémédia- blement les sols, sans pour autant produire du bois de qualité.
Le Contrat régional forêt-bois cible le mas- sif du Morvan comme zone de production prioritaire pour le résineux. Les objectifs
de mobilisation sont tels qu’on ne peut que s’attendre à une multiplication sans précédent
des coupes rases et à de nouvelles vagues de transformations de forêts en plantations industrielles.
Pourtant, après quelques décennies seule- ment (c’est à dire rien à l’échelle de vie d’une forêt), l’enrésinement massif pose de graves questions sur la santé et la résilience de ces milieux forestiers simplifiés et fragilisés, sur la préservation de la biodiversité, des sols, de l’eau, et de l’attractivité de notre territoire, mais aussi et surtout sur les impacts climat et carbone de ces choix purement économiques de court terme.
Le Collectif SOS Forêt Bourgogne réunit des associations environnementales ainsi que des propriétaires et gestionnaires forestiers qui,
loin d’être opposés à l’exploitation forestière, prouvent qu’une autre gestion de la forêt est possible. Cette sylviculture douce, dans le respect des synergies naturelles de la forêt, préserve ses fonctionnalités
et produit du bois de qualité à forte plus-value.
Le Collectif SOS Forêt Bourgogne soutient l’intérêt général, milite pour une cohérence des politiques publiques
et pour la sauvegarde du patrimoine naturel forestier.